La journée semblait être très bien débutée pour Elli. En effet, aucun problème ne s'était manifesté pour l'instant et cela la réjouissait. Elle s'était contentée de répéter ses gestes habituels du matin. Le seul inconvénient - qu'Elli remarqua plus tard dans la matinée -, était qu'il lui manquait quelque chose. Manifestement, c'était quelque chose d'important, auquel la blonde tenait beaucoup. Du moins, vu la réaction qu'elle a eu quand elle s'est rendu compte de l'absence de l'objet tant convoité... Comme tous les matins, elle s'apprêtait à allumer une bougie, pour pouvoir la regarder fondre avec admiration. Seulement, ce matin-là, aucune bougie n'était utilisable, Elli les avait déjà toutes faites fondre. Et dès qu'elle eut comprit que même en cherchant partout, elle n'en trouverait pas... À cet instant précis... Un cri, entre le désespoir et la colère, se fit entendre, et résonna dans les couloirs de l'établissement. Et là, si quelqu'un avait pu voir Elli, se retenir de rire aurait été difficile. Car oui, voir la jeune Allemande faire les cent pas, complètement décoiffée après s'être torturé les cheveux, était risible. Son visage était figé, et elle ne cessait de se répéter qu'elle n'avait plus aucune bougie. Au bout de longues minutes d'allées et venues angoissées, Elli finit par s'arrêter, et balaya le sol du regard. Et là, une idée se détacha dans son esprit, comme si c'était la meilleure qu'elle n'avait jamais eu. On aurait presque pu voir une ampoule au-dessus de sa tête. Un sourire de satisfaction se dessina sur son visage, et elle se précipita ensuite pour quitter l'internat.

Après un court trajet, Elli arriva bien vite en ville. Avant de partir, la jeune blonde avait, tout de même, prit le temps de s'habiller. Ce jour-là, elle avait décidé de mettre du noir. Elle aimait bien prendre du temps pour choisir une tenue, en général. Elle était vêtue d'un jean et d'une chemise, un ensemble assez simple. Lorsqu'elle avançait, un léger claquement se faisait entendre, venant de ses bottes, noires également, dont les petits talons accentuaient un peu plus la grande taille d'Elli. En la voyant, on aurait pu croire qu'elle se rendait à un important rendez-vous, sauf que ce n'était pas le cas du tout. Seulement, son casque vert, légèrement caché sous sa casquette, comme toujours présent sur ses oreilles, donnait un contraste à l'apparence dure d'Elli.

Avançant avec hâte dans les différentes allées de la ville, Elli se dirigeait vers une boutique vendant de tout et n'importe quoi. Arrivant au lieu qu'elle recherchait, la blonde s'empressa d'y entrer. Elle en ressortit durant les quelques instants qui suivirent, un petit paquet dans les bras. Elle serrait celui-ci contre elle, un sourire hébété sur le visage. Oui, savoir qu'elle avait de nouveau des bougies rendait Elli heureuse, même si pour n'importe qui, cela aurait été une tâche comme les autres. Elle marchait la tête baissée, fixant ses pieds qui bougeaient à un rythme régulier. Elle ne faisait aucunement attention aux personnes présentes autour d'elle, et se contentait d'avancer silencieusement dans la rue marchande.

Perdue dans ses pensées, Elli ne se rendait pas compte que dans cette allée, au milieu de tous ces gens, elle était la seule à sourire bêtement de cette façon. Baissant la tête vers son paquet, elle plongea son regard dans celui-ci, admirant son achat. Elle se voyait déjà faire fondre ces bougies, les regarder diminuer doucement, voir la cire chaude couler... Elle releva ensuite la tête et afficha un grand sourire satisfait, les joues légèrement roses - suite à sa projection dans le futur proche - , et fermant les yeux durant quelques instants. Elle n'imaginait pas qu'elle passait pour une parfaite imbécile à sourire dans le vide de cette manière. Elle avait simplement hâte de rentrer à l'internat, et s'apprêtait d'ailleurs à accélérer le pas.

Seulement, quelque chose l'en empêcha. Sentant de la chaleur de chaque côté de ses hanches, Elli sursauta, et manqua de faire tomber son paquet, qu'elle rattrapa de justesse. Ses pieds tournèrent sur eux-même, la faisant se retourner sans qu'elle puisse comprendre ce qui venait de se passer. Son sourire avait laissé place à un air interrogateur. Elle quitta le sol du regard, relevant légèrement la tête, de façon à voir le visage de son interlocuteur. À peine eu-t-elle redressé la tête, qu'une masse rouge attira son regard. Une masse rouge et écarlate qui ne lui était pas si inconnue que ça.

L'interrogation était à présent complètement effacée, ayant été remplacée par un visage figé par la colère naissante, montrant qu'Elli devait bouillir intérieurement. Elle dévisagea le jeune homme face à elle d'un regard noir, et poussa un long soupir d'agacement. Il n'était pas bien compliqué de deviner que l'humeur d'Elli avait été complètement changée suite au salut du jeune garçon. Elle était probablement de mauvaise humeur, à présent. C'est fou à quel point un mot peut changer l'humeur d'une personne. Lorsqu'elle le vit déposer un baiser sur sa main, la blonde écarquilla les yeux, sentant un frisson la parcourir. Elle fronça durement les sourcils, et fit doucement bouger son index et son majeur, avant de relever la main, lui mettant un coup dans le menton au passage. Après quoi, elle garda sa main en l'air et secoua celle-ci, pour ensuite l'apporter jusqu'à sa tête pour faire glisser son casque autour de sa nuque.

Elli ramena ensuite sa main jusqu'à son paquet, pour pouvoir mieux le soutenir. Elle tenta donc de se calmer en respirant lentement, se disant que ce serait stupide de faire une crise de nerfs maintenant, et devant tout le monde présent dans la rue marchande. Elle se contenta de baisser à nouveau la tête, regardant encore le sol d'un air entre l'indifférence et l'agacement, espérant que cette vue arriverait à la calmer. Bon, le sol ne parle pas, et les chances qu'Elli passe ses nerfs dessus sont minimes... À moins d'être vraiment idiote, elle ne comptait pas discuter avec quelque chose d'inanimé...

Elli avait beau essayer de se calmer, rien n'y faisait. Contrairement à ce à quoi elle s'attendait, regarder le sol l'obligeait à penser, et pour elle, penser lorsqu'elle est en colère, c'est pratiquement impossible. Et c'est ce qui arriva, elle tenta de réfléchir pendant un cours instant, mais cela l'agaça encore plus. Et pourtant, depuis le temps, elle devait être habituée à ce genre de situation, surtout avec le jeune homme qui lui faisait face. Il est d'ailleurs impossible de compter le nombre de fois où celui-ci a réussi à la mettre sur les nerfs, et ça, la blonde avait bien remarqué à quel point cela semblait l'amuser. Malheureusement, ce n'était pas réciproque et les deux jeunes n'avaient, apparemment, pas la même conception de l'humour.

Ce qu'Axel venait de dire n'avait manifestement pas encore atteint le cerveau d'Elli, elle resta de marbre durant plusieurs secondes, le temps de comprendre ce qu'elle venait d'entendre. Et une fois qu'elle eut analysé chaque mot.. Alors là, ça donnait quelque chose. La jeune femme écarquilla subitement les yeux, relevant doucement la tête vers son interlocuteur. Il faut dire qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il l’appelle ainsi. Elle resta donc bouche bée et muette comme une carpe pendant quelques instants. Et puis la seconde phase se déclencha. La blonde reprit rapidement ses esprits et cligna des yeux pour en témoigner. Elle fronça de nouveau les sourcils et dévisagea le jeune homme en serrant brusquement les poings, ce qui froissa le papier de son paquet.

Si elle ne se contenait pas, Elli ne se serait probablement pas gênée pour gifler Axel. Seulement, elle se contenta de l'imaginer, elle ne devait pas lui faire le plaisir d'entrer dans son jeu. Ah, ça non, elle l'avait déjà assez fait auparavant. C'était pourtant exactement le genre de réflexion qu'elle ne supportait pas, donc se contenir, c'était quelque chose de très dur pour elle. Mais bien que ça soit difficile, elle tenta de rester un minimum neutre, jetant malgré elle un regard haineux au jeune homme, ce qui devait lui donner une idée de ce qu'elle pensait à cet instant précis.

À force de garder les sourcils froncés et cet air mécontent, Elli avait un peu mal au front. Elle aurait bien fait des sortes d’étirements du visage pour le détendre, mais elle aurait eu l’air plus que ridicule, alors elle s’est retenue. Par contre, elle a laissé ses sourcils remonter, elle semblait beaucoup moins en colère comme ça et c’était probablement mieux. Elle était toujours irritée, mais maintenant, ça se voyait déjà un peu moins.

Elli détourna immédiatement le regard. Inutile de relever encore une fois ce genre de phrases. Elle avait beau se répéter qu’elle avait l’habitude, qu’il lui faisait le coup ou quelque chose de similaire à chaque fois, elle se faisait quand même avoir. Et bien sûr ça amusait Axel, ce qui jouait encore plus à contrarier la blonde, il savait toujours quoi dire pour la faire sortir de ses gonds. Il la connaît bien, trop bien au goût d’Elli… Seulement, maintenant elle ne peut pas y faire grand-chose vu qu’elle n’a pas de machine à remonter le temps, mais elle se dit qu’il n’y a sûrement pas que des inconvénients. Mieux vaut être optimiste.

La première chose qu’elle voudrait faire, c’est s’en aller. Oui, enfin, plus facile à dire qu’à faire hein, parce que ses pieds ont pas vraiment l’air d’être d’accord avec ça. Sa tête sait ce qu’elle veut : déguerpir, mais le reste semble bien ici alors pas question de bouger. Enfin, peut-être que ses pieds n’étaient pas les seuls à vouloir rester au fond… Mais en même temps, elle voulait savoir ce qu’Axel allait trouver pour enchaîner. Encore un commentaire sarcastique ?

Quoi, c’est tout ? Elle trouvait ça un peu facile. Elle était pourtant sûre qu’il trouverait quelque chose de nouveau pour l’énerver encore une fois, comme quoi, Axel sait s’arrêter quand il le veut. Quand il le faut plutôt, parce qu’il ne sera jamais à court de réflexions, ça, c’est une certitude, même quand Elli se dit qu’il n’a plus rien à dire il finit toujours par trouver quelque chose. Il est assez fort en fait. Pourtant elle s’est quand même demandé si la réponse à cette question l’intéressait vraiment où s’il disait ça uniquement pour entamer la conversation. Attention, Elli aussi peut faire de l’humour pourri.

Ça c’est sûr, elle ne comptait pas rester plus longtemps à cet endroit. Mais en vérité, en arrivant dans ce coin, elle n’avait pas fait attention à sa réputation, elle ne pensait qu’à acheter des bougies. Ces bougies, elle semblait les avoir complètement oubliées depuis qu’Axel avait décidé de l’aborder, comme si son esprit ne pouvait se concentrer que sur une chose à la fois pour oublier ce qu’il peut y avoir d’autre autour. Et s’il ne lui avait pas posé la question, si elle n’en avait pas parlé, elle aurait vraiment oublié le paquet et ce qu’il contenait.

Elle haussa les épaules, que d’ironie dans sa voix et dans son très bref sourire. C’est vrai, le terme « mal fréquenté » devait être souvent associé aux endroits qu’Axel fréquentait. Cela n’étonnait pas Elli plus que ça, les Black Coat ne faisaient pas partie de ceux qui fréquentaient les salons de thé...

Elli se préparait d’avance à ce qu’Axel pourrait lui répondre, peut-être qu’il allait se vanter de traîner dans les environs, mais en fait, elle n’en était pas sûre et s’interrogeait sur la réponse qu’elle allait avoir.

Ah, là c’était bizarre, le ton d’Axel avait changé d’un seul coup et malgré elle, Elli hausse un sourcil. Alors déjà qu’en temps normal elle n’aime pas le changement trop brusque, mais avec Axel, ça la rassure encore moins. Ça lui fait même presque un peu peur puisqu’elle ne sait pas ce qui peut se passer… Mais ça, elle ne le dira jamais, elle a beaucoup trop de fierté pour ça.
Elle regarde Axel d’un air incrédule et se dit que si elle n’avait pas son sac qui encombre ses bras, elle les croiserait bien.

Elle lève les yeux au ciel et soupire, en secouant lentement la tête d’un air désespéré, c’est vrai, c’était forcément du vent, Axel ne pouvait pas savoir qu’elle allait passer par là puisque ce n’est que le matin même qu’elle s’était rendu compte qu’elle n’avait plus de bougies. Alors s’ils étaient dans la galerie marchande au même moment, ça ne pouvait être que le fruit du hasard, rien d’autre. Et ça, Elli le savait très bien, et même Axel ne pourrait pas lui faire gober le contraire. Et surtout pas après une réflexion aussi poussée.

Et c’est avec cette phrase qu’elle conclue la longue analyse qui s’est passé dans sa tête. Là Elli se sentait plus, elle avait l’impression d’avoir réussir à clore le sujet de façon magistrale alors que ce n’était pas vraiment le cas... Limite « c’est évident mais le fait que je le dise me rend plus maligne ». Du coup, elle regarde Axel et lui fait un petit sourire en coin presque naturel puisqu’elle est sûre d’avoir eu le dernier mot, et tourne les talons. Elle redresse son sac encore une fois, en espérant que ça sera la dernière, et se tient droite, comme pour faire une sortie toute en élégance.